Ne pas faire le deuil de la maternité dégrade la santé mentale

Une étude sur 7000 femmes est formelle:  ne pas faire le deuil de la maternité dégrade la santé mentale

Par : Audrey Vaugrente
Publié le 11 Septembre 2014, Pourquoi docteur

L’échec d’une tentative de conception n’est jamais bien vécue. Chez les femmes qui n’acceptent pas leur infertilité, le risque de mauvaise santé mentale est presque triplé.

Pour sa propre santé mentale, il faut savoir abandonner certains objectifs. C’est une leçon de sagesse que tente de transmettre une récente étude. Parue dans Human Reproduction ce 10 septembre, elle évalue l’impact de l’échec d’un traitement contre l’infertilité sur la santé psychique des femmes. Ce type d’événement survient dans un tiers des cas. Et sans surprise, celles qui s’accrochent à leur désir de concevoir risquent davantage de souffrir de dépression que celles qui acceptent cet échec.

6 % souhaitent toujours enfanter

Une équipe de l’université de Cardiff (Royaume-Uni) a suivi 7 148 femmes qui ont démarré un traitement contre l’infertilité entre 1995 et 2000. 11 à 17 ans plus tard, ces participantes ont reçu un questionnaire concernant leurs caractéristiques générales, la cause de l’infertilité, le traitement reçu, mais aussi leur santé mentale. Les chercheurs leur ont également demandé si elles avaient enfanté, s’il s’agissait de leur enfant biologique, et si elles souhaitaient toujours concevoir. L’objectif : déterminer l’impact de l’échec et de son acceptation sur le risque de dépression.

Parmi les participantes à cette étude, 30 % n’ont pas pu avoir d’enfant et 6 % souhaitaient toujours enfanter plusieurs années après le dernier échec. Celles-ci s’exposent davantage à une santé mentale détériorée que celles qui parviennent à accepter leur infertilité. « La force de cette association varie selon que les femmes souhaitent toujours avoir un enfant ou non. Chez les femmes sans enfant, le désir de concevoir multiplie le risque de mauvaise santé mentale par 2,8  par rapport à celles qui ne le souhaitent plus. Chez les femmes avec enfant, le désir d’en avoir un autre augmente de 1,5 fois le risque d’avoir des problèmes psychologiques », explique le Dr Sofia Gameiro, principal auteur de l’étude.

Moins déprimées grâce au mari…

Les femmes se portent également mieux si l’infertilité est due …… la suite ICI. 

 Ce que nous pourrions rajouter, c’est que le désir de maternité qui n’aboutit pas est un traumatisme, qui laisse des traces, ce que nous éprouvons chaque jour dans nos corps et nos têtes quand nous traversons ces temps d’infertilité. Donc pas étonnant que plusieurs années après, ces cicatrices puissent être encore à VIF entrainant une santé mentale de moins bonne qualité.  Il y a donc un travail important à faire, à mettre en place pour soutenir les femmes qui sortent du parcours AMP sans enfant, pour qu’elles puissent retrouver un équilibre psychique satisfaisant, du moins, moins souffrant.

J’ai d’ailleurs rencontré ces derniers temps de femmes très âgées (plus de 70 ans) qui m’ont parlé de leur désir qui n’a pu se réaliser d’avoir des enfants et de la souffrance qu’elles éprouvaient encore face à ce vide, à ce manque. Le grand regret de leur vie. Prenons soin de nos amies qui sortent du parcours d’AMP sans enfant. Le deuil est un processus long, fait d’avancées et de reculs.  Il faut en outre, réussir à faire abstraction de l’assistance médicale à la procréation pourvoyeuse de potentielles solutions. Pas simple.  Mais nécessaire de réussir à faire son deuil.

Commentaires à propos de cet article (11) :

  1. La quête sans fin (c’est si vrai Artemise ) me semble plus difficile émotionnellement que le renoncement, qui est une souffrance aussi mais au moins « on sait » que ça n’arrivera pas. Pour ces femmes plus âgées, je pense souvent à elles parce qu’elles n’avaient pas d’explication et devaient espérer chaque mois…

    1. C’est pour ça qu’il nous semble nécessaire d’en parler, de se soutenir, de soutenir les femmes qui sont au delà de l’AMP et donc dans un processus de deuil de la maternité, de la parentalité. Car l’AMP, ce n’est pas Magic Land. OUI, il y a des femmes, des couples, qui n’auront pas d’enfant même après un long parcours d’AMP.
      Certains se tourneront vers l’adoption (qui est aussi un parcours semé d’embuche et très chargée en émotions négatives. Et puis l’Adoption ce n’est pas Magic Land non plus !), mais d’autres ne le feront pas.
      Il faut parler de l’après-AMP, de la vie sans enfant après avoir tellement investit d’énergies, d’espoirs, de rêves. Comment passer à autre choses, qu’elles sont les étapes de ce processus de deuil, de renoncement ? La colère, la haine, la dévalorisation de sa personne, le dégout de tout, la perte de sens, la dépression sont autant de moments qu’ils faut pouvoir connaitre, qu’il faut pouvoir vivre, traverser, ou pas. COmment ? Avec qui ? Est-ce qu’on peut en sortir sans trop de blessures ? Ou pas ?
      Il y a beaucoup à dire et à faire pour toutes les femmes qui se trouvent dans cette situation.

      1. Ah mais ça je suis bien d’accord !! J’avais pu découvrir cet article grâce à Artemise et je l’avais lu avec beaucoup d’intérêt. Disons que pour moi cela soulève évidemment davantage de questions que cela n’apporte de réponses. Mais c’est certainement à chacun de se construire ses propres réponses…

  2. Je pense, qu’il faut faire entendre les paroles de ces femmes qui vivent l’après AMP sans enfant, laisser s’exprimer leurs émotions, leurs sentiments, écouter les chemins empruntés. Ne pas reléguer leurs souffrances, leurs mots – maux, sous prétexte qu’ils pourraient être négatifs.
    Lors des FFER, nous en avons eu un bel exemple, avec l’intervention de Géraldine Jummel L’homme, qui a secoué l’assistance avec le récit de son parcours d’AMP et de l’échec de procréation, de maternité dans lequel elle se trouve. Elle a dit des choses dures, la rage et la colère affleuraient sans cesse, mais c’était sa vérité, sa souffrance qui s’exprimait. Certains médecins, lui ont dit ensuite que c’était important de dire tout ça.

    1. Ca me semble tellement fondamental de se préoccuper et d’écouter en priorité ceux qui souffrent du vide laissé après moults tentatives. Sur ce plan, y’a du boulot, bien plus même il me semble.
      Merci de relayer cette étude, dont les résultats me semblent tellement évidents…

  3. Merci pour ce partage, qui forcément questionne… Il ne se passe pas un jour sans que je n’ai une pensée pour celles que je « connais » et qui sont sorties de ce parcours usées, vidées, broyées par la machine PMA. Mais à part en accueillant leurs ressentis, leurs peines et leurs peurs et en les accompagnant par notre présence sur le chemin du deuil, que pouvons-nous faire?
    Je crois qu’on a toutes déjà ressenties cette atroce peur de sortir de ce parcours sans enfant… Quand la peur n’est plus imaginée mais bien réelle, difficile de savoir quoi dire ou quoi faire…

  4. La peur, je l’ai en permanence.
    Je sais que j’ai très peu de chance d’avoir un enfant, en pma ou en adoption.
    Je me botte les fesses quotidiennement pour envisager  » l’après « …
    Et plus j’avance vers la fin, plus j’ai cette quasi certitude que grâce à mon parcours, mes essais, mes souffrances… Je pourrai faire mon deuil plus facilement. Je ne pourrai rien me reprocher, je pourrai me féliciter d’avoir été si forte. Alors j’espère ne pas virer trop barje.
    Il y a 15 mois, mon parcours pma s’arrêtait , on me virait de ma première pma, juste après un essai.
    Si je n’avais pas pu essayer ailleurs, je pense qu’aujourd’hui je serais en grande souffrance. Au  » c’est pas juste » s’ajoutait le  » et on ne m’a pas donné ma chance » et  » on ne m’a pas laissé le choix ».
    Les équipes pma devraient y songer…
    Sinon, un blog, ça protège bien le mental, aussi…ça met en distance.

  5. Je viens d’apprendre par hasard que dans mon 2ème centre AMP, il y avait une psy et une acupunctrice toutes deux dédiées a l’AMP quelques jours par semaines. Pourtant on n’en m’en a jamais parlé, même pas apres notre dernière FIV (la der des der) qui c’est soldée en fausse couche..
    J’ai l’impression qu’il n’y a pas de temps et surtout d’argent à investire dans l’écoute des patientes..

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *