Se faire virer de son centre d’AMP ?

« Nous avons été virés de notre centre Pma. Je n’ai pas d’autres mots qui me viennent à l’esprit pour définir ce que nous venons de vivre.
Déjà parents grâce à la FIV nous avons voulu agrandir la famille. Nous avons donc repris le chemin de la PMA avec notre infertilité inexpliquée. Se sont alors enchaînées les difficultés : échecs d’implantation, fausse couche, 3 fiv dont deux hyperstimulations, une de stade 2, l’autre plus modérée.


Et c’est alors que j’étais en pleine hyperstimulation et que nous venions d’apprendre que nos embryons étaient tous fragmentés, que le centre m’a appelée un matin à 8h30 alors que mon cycle de FIV n’était pas encore terminé, pour nous lâcher cette bombe : nous ne vous suivons plus. Même s’il vous reste encore deux FIV.


J’ai été complètement sonnée, je ne savais même pas que ça pouvait exister. Deux ans d’espoirs, de bataille, de courage pour s’entendre dire que c’était fini, sans explications vraiment claires, sans accompagnement, sans être simplement reçus, sans même me demander si j’étais seule ou avec mon mari, si j’étais chez moi ou au travail.
Nous nous sommes sentis abandonnés et considérés comme des numéros qui n’entraient pas dans les bonnes cases et qui étaient mauvais pour les stats du centre. Une décision a été prise pour nous, sans même nous consulter, sans même nous expliquer les enjeux, les raisons ni le but de cette décision. J’ai été informée moi, mais pas mon mari, comme si la PMA c’était juste la femme.

Nous avons aujourd’hui la possibilité de continuer mais ailleurs, dans un autre centre, et donc tout recommencer avec une confiance complètement mise à mal par le corps médical.
Heureusement nous avons pu trouver du soutien auprès de notre gynécologue mais je ne suis pas sûre que cela suffise à nous remettre sur le chemin de la PMA car aujourd’hui nous sommes simplement écœurés par la décision de ce centre qui nous a coupé les ailes en plein vol
. »

Ces derniers temps, nous avons malheureusement reçus plusieurs témoignages de ce type. C’est à dire des personnes qui n’ont pas pu poursuivre leur prise en charge en AMP dans le centre dans lequel, elles se trouvaient, car une décision unilatérale a été prise de mettre un terme à leur prise en charge. L’annonce de cette fin de prise en charge se faisant dans des conditions déontologiques et humaines très très limites !

Nous sommes évidemment effarées que de telles situations existent. Et nous les faisons remonter à l’Agence de la biomédecine. Mais quels sont les droits des patientes dans ce type de situation ? Que dit la loi sur ce sujet ? Quels sont les recours des couples qui vivent de telles situations ? Faisons le point.

Les rapports professionnels du soins et patients sont régis par la loi et le code de déontologie professionnelle, qui rassemble les principes et les règles éthiques, les droits et les devoirs (la loi). Les professionnels ont donc des droits et des devoirs, mais les patients aussi ! En l’occurrence, mais nous ne sommes pas juriste, le témoignage ci-dessus, nous évoque de la part du médecin, un refus de soins doublé d’un manque de considération pour les conditions de l’annonce de cet arrêt de prise en charge, pour les patients concernés.

« Le refus de soins s’entend par tout comportement qui conduirait, directement ou indirectement, à une absence de soins ou de traitements adaptés à votre état de santé. Bien qu’il soit possible pour un professionnel de santé de refuser de dispenser des soins, cette faculté ne doit pas s’apparenter à une discrimination. » Source Ministère des Solidarités et de la Santé

L’article 47 du code de déontologie nous explique qu’un médecin peut refuser des soins, sous conditions. Les conditions sont que le patient ne soit pas en urgence vitale et que le la situation de refus de soins ne soit pas liée à une discrimination. Il doit surtout orienter son patient vers un autre professionnel ou un autre établissement de santé. Ce qui dans le témoignage ci-dessus n’a pas été réalisé, en plus des conditions désastreuses de l’annonce.

Article R4127-47 du code de la Santé Publique ou article 47 du code de déontologie des médecins : « Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée.

Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles.

S’il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins.« 

Et les droits des patientes et patients ?

Les patients ont aussi des droits individuels et collectifs (Loi du 4 mars 2002 sur la démocratie sanitaire) : Droit à la protection de leur santé, droit au respect de leur dignité, droit au respect de sa vie privée, droit à la non discrimination. Le droit d’être informé de son état de santé, le droit d’accéder à son dossier médical, le droit de participer aux décisions au sujet de sa santé. Les droits collectifs s’entendent de ceux relatifs à la représentation des usagers dans les établissements de santé, via notamment la commission des usagers.

« Quels sont mes recours en cas de refus de soins ?

Si vous vous estimez victime d’un refus de soins illégitime, vous avez la possibilité de saisir le directeur de l’organisme local d’assurance maladie ou le président du conseil territorialement compétent de l’ordre professionnel concerné (médecins, infirmiers, chirurgien-dentiste…) en vue de faire sanctionner le professionnel. Cette saisine vaut dépôt de plainte. Le destinataire de cette plainte informe le professionnel de santé mis en cause et peut le convoquer dans un délai d’un mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte. Une procédure de conciliation est alors menée par une commission mixte composée de représentants du conseil territorialement compétent de l’ordre et de l’organisme local d’assurance maladie. En cas d’échec de la conciliation, le président du conseil territorialement compétent transmet la plainte à la juridiction ordinale compétente. » Sources Ministère des Solidarités et de la Santé

Les patients ont donc des recours possible (amiables, contentieux, disciplinaire), qui dépendent aussi de la nature de la difficulté rencontrée (mésentente, refus de soins, erreur médicale, etc… :

  • Informer oralement et par écrit le praticien avec qui vous vivez une situation difficile, pour trouver une solution.
  • Informer la direction ou le responsable hiérarchique du praticien sur la difficulté rencontrée.
  • Demander à rencontrer le médiateur de l’établissement.
  • Saisir la commission des usagers de l’établissement.
  • Saisir le président de l’ordre des médecins.
  • Saisir le directeur de la caisse d’assurance maladie locale.
  • Informer l’Agence Régionale de Santé
  • Prendre contact avec une association de patients pour qu’elle puisse vous soutenir, vous informer et si elle le peut servir de médiatrice dans les relations avec l’établissement ou le praticien.

L’assistance médicale à la procréation ne fait pas exception, vous ne devez donc pas ignorer vos droits de patients en parcours d’AMP. C’est souvent difficile et la recherche d’une solution amiable, de dialogue est l’objectif principal qui doit être recherché, car engager un recours contentieux est une épreuve souvent difficile à vivre. Mais si elle s’avère nécessaire et que vous souhaitez le faire, vous pouvez le faire.

Pour plus de détails sur les voies de recours, voir sur le site du ministère

Pour retrouver l’ensembles des informations sur les droits des usagers du système de santé et les recours possibles, c’est par ici sur le site du ministère des Solidarité et de la Santé.

JE NE SUIS PAS SATISFAIT DE MA PRISE EN CHARGE EN ETABLISSEMENT DE SANTE ?

Pour aller plus loin, voici les articles de loi au sujet du refus de soin.

Article L1110-3 sur la notion de discrimination

Modifié par LOI n°2018-1203 du 22 décembre 2018 – art. 52 (V)

« Aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins.

Un professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne pour l’un des motifs visés au premier alinéa de l’article 225-1 ou à l’article 225-1-1 du code pénal ou au motif qu’elle est bénéficiaire de la protection complémentaire en matière de santé prévue à l’article L. 861-1 du code de la sécurité sociale, ou du droit à l’aide prévue à l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles.

Toute personne qui s’estime victime d’un refus de soins illégitime peut saisir le directeur de l’organisme local d’assurance maladie ou le président du conseil territorialement compétent de l’ordre professionnel concerné des faits qui permettent d’en présumer l’existence. Cette saisine vaut dépôt de plainte. Elle est communiquée à l’autorité qui n’en a pas été destinataire. Le récipiendaire en accuse réception à l’auteur, en informe le professionnel de santé mis en cause et peut le convoquer dans un délai d’un mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte.

Hors cas de récidive, une conciliation est menée dans les trois mois de la réception de la plainte par une commission mixte composée à parité de représentants du conseil territorialement compétent de l’ordre professionnel concerné et de l’organisme local d’assurance maladie.

En cas d’échec de la conciliation, ou en cas de récidive, le président du conseil territorialement compétent transmet la plainte à la juridiction ordinale compétente avec son avis motivé et en s’y associant le cas échéant.

En cas de carence du conseil territorialement compétent, dans un délai de trois mois, le directeur de l’organisme local d’assurance maladie peut prononcer à l’encontre du professionnel de santé une sanction dans les conditions prévues à l’article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale.

Hors le cas d’urgence et celui où le professionnel de santé manquerait à ses devoirs d’humanité, le principe énoncé au premier alinéa du présent article ne fait pas obstacle à un refus de soins fondé sur une exigence personnelle ou professionnelle essentielle et déterminante de la qualité, de la sécurité ou de l’efficacité des soins. La continuité des soins doit être assurée quelles que soient les circonstances, dans les conditions prévues par l’article L. 6315-1 du présent code.

Les modalités d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire.« 

Article L6315-1 sur la continuité des soins

Modifié par LOI n°2011-940 du 10 août 2011 – art. 10

« La continuité des soins aux malades est assurée quelles que soient les circonstances. Lorsque le médecin se dégage de sa mission de soins pour des raisons professionnelles ou personnelles, il doit indiquer à ses patients le confrère auquel ils pourront s’adresser en son absence.

Le conseil départemental de l’ordre veille au respect de l’obligation de continuité des soins et en informe le directeur général de l’agence régionale de santé.« 

Pour retrouver toutes les informations et bien plus, sur le site du Ministère des Solidarités et de la Santé, c’est par là

Pour lire l’ensemble des articles du code de déontologie des médecins c’est par ici

Code de déontologie des médecins

Mémoire en droit de la Santé sur le refus de soins

Commentaires à propos de cet article (5) :

  1. Incroyable! Je pensais que c’était que moi… un cas compliqué…avec peu de chance d’aboutir…
    Moi j’ai reçu une lettre m’informant de l’arrêt de la prise en charge..mes rdv ont été annulés par courrier aussi… pitoyable! C’était il y a presque 3 ans. Grâce à ma Gyneco j’ai pu m’en remettre et aller dans une autre Pma..recommencer à zéro. Jusque mes 43ans.
    On n’y est pas arrivé mais on a tenté jusqu’au bout et c’était notre choix! Pas celui de la Pma!
    Vraiment incroyable que ce type de comportement puisse arriver si souvent! Un grand merci de tenter d’alerter sur ces comportements délétères.
    Courage à touts ces couples désireux d’enfants. Beaucoup de centres PMA sont justes géniaux et plein de bienveillance!

    1. Bonjour
      OUi heureusement la majorité des centres d’AMP et surtout des professionnels sont bienveillants et respectueux des droits des patients.

      1. Comme je vous comprends il ya une omerta sur la façon dont les patients sont traités.Si on est dans les clous pas de soucis.par contre si ça fait chuter les résultats,c’est pas très bon pour l’image du centre.Mais vu que c’est pris en charge.On ne peut rien dire.Je suis désolée mais c’est aussi le ressentie que j’ai eu et à mon avis,je ne suis pas la seule.En Espagne si on paie pas de soucis..

  2. Nous avons connu ça aussi avec mon conjoint OATS. Le lendemain de ma ponction de FIV ICSI 2, j’ai le médecin biologiste au téléphone qui me dit que sur mes 16 ovocytes – et je précise qu’ils étaient tous de bonne qualité – il en a jeté 9 parce que « je vais pas passer des heures à féconder des ovules qui vous donneront des fausses-couches ou des enfants trisomiques. Depuis le début je dis à votre gynéco que ça ne marchera pas pour vous. Moi j’abandonne, je ferai tout pour que cette fiv soit la dernière. Ah et…si jamais par miracle vous avez quand même des J2, ne les transférez pas, ils seront trop moches ». Le lendemain, nous apprenions que deux J2 étaient là, nous avons décidé de faire le transfert, et avons parlé de ce comportement au gynéco. Ils se sont isolés tous deux, on les voyait parler à travers la vitre. Le gynéco est ressorti : « c’était votre dernière FIV. Passez par le don. ». Clap de fin. Merci de votre participation.

  3. je viens de vivre le même refus de la part de mon hôpital. au bout d’un essai de fiv uniquement. la raison : un seul ovocyte et non fécondé. qui s’ajoutent à mon endométriose et mon âge. même pas une deuxième chance. le pire c’est que c’est fichu pour le don d’ovocytes en France. ils m’ont carrément dit d’aller à l’étranger ! qu’est ce que c’est que ce système de santé ?! je suis dégoûtée… je cherche les recours possibles

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