Nous avons lu attentivement l’article de madame Estelle Saget.
Si nous avons bien compris l’objectif de cet article, il s’agit de permettre aux couples de savoir où se place dans l’échelle de la réussite, le centre d’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) le plus proche, à l’aide d’un classement national et le cas échéant d’en choisir un plus « performant ».
L’un des enjeux majeurs des professionnels de l’AMP en France depuis plusieurs années est d’assurer aux couples une transparence de nos résultats. La première difficulté rencontrée est l’homogénéité des indicateurs qui définissent les couples. Chaque centre a sa spécificité, un bassin de population qui lui est propre et il n’est pas envisageable de comparer abruptement une moyenne globale d’un centre à un autre. Nous savons depuis toujours que de nombreux biais modifient autant les résultats que leur interprétation. Citons pour exemple l’âge, les pathologies rencontrées, le nombre d’embryons transférés et congelés, etc. Aussi invitons-nous ceux qui s’y intéressent, à regarder simplement la constitution d’une étude de recherche clinique pour comprendre la complexité d’une construction scientifique dont l’objectif est d’aboutir à des conclusions justes et reproductibles.
Le palmarès de l’Express a été établi auprès de l’Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation (ATIH) qui gère le PMSI. Il est surprenant d’apprendre que l’ATIH a participé à ce travail alors qu’il s’agit de la mission de l’Agence de la BioMédecine (ABM) dépendant du même ministère. Nous nous inquiétons de savoir comment la CNIL a pu autoriser cette étude avec le croisement de fichiers nominatifs. Certes ces derniers sont numérotés mais néanmoins traçables. Ceci est d’autant plus surprenant qu’à la relecture du document que l’ABM édite, au sujet de la note d’information à l’attention des couples pour le recensement national des tentatives de FIV, il est spécifiquement mentionné que : « L’ABM a mis en œuvre toutes les mesures nécessaires à la protection des données et au respect de la confidentialité. En particulier, des mesures de sécurité informatique ont été prises et seules quelques personnes chargées de la gestion du fichier, du contrôle de qualité et de la sécurité des données, dûment autorisées par le directeur général de l’Agence, pourront avoir accès aux informations nominatives, et uniquement lorsque cela s’avérera indispensable». Les couples seraient donc en droit de se questionner sur l’origine de cette indiscrétion et donc sur la fragilité de cette confidentialité.
Ainsi sommes-nous pour le moins perplexes de constater que nos efforts communs d’un rendu des performances de chaque centre, qui interroge des experts de la question depuis des années et avec l’étroite collaboration de l’ABM, ont pu être devancés par un article reposant sur des données dont on a du mal à tracer l’origine et qui ont pu être mal employées ou mal interprétées. Pour exemple :
Le pourcentage d’accouchements sur un découpage arbitraire de tranches d’âge censé « représenter » des patientes avec beaucoup, moyennement ou peu de chance de succès est hautement discutable et scientifiquement critiquable par des sociétés savantes internationales.
Ce d’autant qu’une grossesse supplémentaire modifie grandement les pourcentages des petits effectifs qui pourront alors faire croire à des taux de plus de 16% chez des femmes de plus de 40 ans, alors que les résultats mondiaux se situent entre 3 et 5% ;
Les accouchements issus des transferts d’embryons congelés pour une seule et même ponction, n’ont a priori pas été pris en compte dans ces calculs. Cet élément est fondamental puisqu’il implique la politique du transfert embryonnaire « volontairement » unique pour éviter les grossesses multiples.
Comment savoir dans les données présentées, si un centre avec des taux d’accouchements importants est efficient ? En effet, l’objectif visé n’est pas le pourcentage d’accouchements mais le pourcentage d’accouchements à terme d’un enfant unique. Si les transferts d’embryons uniques ne sont pas comptabilisés, que ce soit en transfert immédiat ou après congélation embryonnaire, les centres qui ont une politique de santé publique et de sécurité sanitaire éthique et responsable sont pénalisés, alors que leurs résultats sont au moins aussi bons. Il n’est plus acceptable aujourd’hui d’avoir 25 à 30% de grossesses gémellaires en FIV.
Pourquoi avoir recensé 15 mois d’activité des centres FIV et comment s’y retrouver alors que tous les résultats sont habituellement donnés sur une année légale ?
Enfin, après des années de travail et de questionnements sur la plus fiable des méthodes, des résultats, encore discutables, ont été dûment acquis par le travail conjoint des professionnel de l’AMP et de l’Agence de la Biomédecine. Cette dernière s’apprête à publier ces résultats dans les jours à venir. Ils sont bien différents de ceux présentés dans l’Express : Les objectifs ou les ambitions de cet article, hormis ceux d’un coup d’éclat médiatique, font fi de l’impact sur des couples déjà en souffrance qui s’attacheront à des résultats erronés et sans signification.
La mission d’information à laquelle devrait s’attacher votre journal sur un tel sujet ne doit pas se résumer au seul effet d’annonce, mais plutôt comme nous médecins et soignants, à accueillir, écouter et aider ces couples en détresse, à mieux comprendre leur situation, et enfin les renseigner sur leur chance de voir aboutir leur projet parental de façon personnalisée.
Aimons la vérité qui nous reprend et méfions-nous de celle qui nous flatte.
Louis Bourdaloue «
Bravo !!! l’AMP est tellement complexe que la journaliste manquait d’informations cohérentes…il faut arrêter de dire tout et n’importe quoi à ce sujet… Nous demandons de l’information et non de la désinformation …
Bien sur que cette étude ne peut être que bourrée de biais et de données non comparables entre centres, selon notamment leur politique d’acceptation des couples aux « lourds dossiers » et « âgés ». Mais ce classement peut aussi servir d’électrochoc quand le centre dans lequel on est apparait non seulement mal classé (avec les réserves ci dessus) mais surtout n’apporte aucun accompagnement satisfaisant. Et puis je suis dubitative sur ce dénigrement des grossesses gémellaires, certes on en connait les risques et il ne faut pas aller au delà, mais je crois que nombre d’entre nous sont tentés par ce bonheur là parce qu’on sait qu’on n’aura pas droit à un 2e tour de piste. Mais la encore, la dimension humaine n’est pas prise en compte… et les risques peuvent s’évaluer, s’apprécier et être laissés à l’appréciation des couples sans y voir une mesure de santé publique ! Apo
Les professionnels de l’AMP, comme la SMR, se gargarisent de la « transparence » sur leur pratiques et leurs résultats. En ce qui me concerne, et malgré mes demandes répétée, quant au taux de réussite dans le « plus gros centre d’AMP » parisien, bien classé dans l’article de l’express, on ne m’a donné qu’une fourchette: entre 20 et 35 % en fonction de l’âge, du type d’infertilité, etc. C’est ça la transparence ?
Quant aux pratiques médicales, le choix du nouveau protocole m’a été indiqué lors d’un RDV bilan de fin de FIV, de 10 minutes, sans concertation, sans explication.
J’espère donc que la publication de ce classement, bien qu’imparfait contribuera à pousser (enfin !) l’agence de biomédecine à communiquer les résultats qu’elle aurait du rendre public depuis longtemps. Par ailleurs, une réelle comparaison des pratiques de chaque centre serait plus que bienvenue, n’ajoutons pas à l’angoisse de l’incertitude du résultat, celle de l’incertitude des pratiques!
Enfin, cette transparence, la vraie, permettrait peut être également de comparer les résultats des centres français avec ceux des centres étrangers, dont les taux de naissance semblent bien supérieurs.
certes…mais ce paragraphe « mais plutôt comme nous médecins et soignants, à accueillir, écouter et aider ces couples en détresse, à mieux comprendre leur situation, et enfin les renseigner sur leur chance de voir aboutir leur projet parental de façon personnalisée. » me laisse dubitative car de ma propre expérience c’est plutôt l’exception et non la règle…et sauf erreur de ma part ce n’est pas les journalistes qui vont modifier les pratiques mais les praticiens eux même et ce n’est parce qu’il n »existe aucune dynamique nationale que cela doit les excuser de ne pas faire le job en établissement ( écoute, transparence des chiffres…)!!!!!