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Patrimoine génétique et don d’ovocyte – Rue 89
Ce que transmet une femme à un embryon qui n’est pas le sien
On se pose la question pour les mères porteuses. Pour ces couples de lesbiennes, de plus en plus nombreux, où l’une fournit les ovocytes, et l’autre porte l’embryon. Mais cette question vertigineuse concerne bien plus de femmes, toutes celles, infertiles, qui ont recours à des dons d’ovocytes.
Le comité consultatif national d’éthique a reporté à début 2014 le débat sur la PMA, la procréation médicalement assistée. Ça nous laisse le temps de répondre à cette question : quand une femme porte un embryon qui n’est pas le sien, que lui transmet-elle ? Elle sera mère, juridiquement, puisqu’en France, « c’est l’accouchement qui fait la mère », mais aussi l’adoption.
Certes, celle qui donne vie à un enfant fabriqué avec les gamètes d’une autre ne transmet pas son patrimoine génétique. Mais durant ces mois, il se passe des échanges et des interactions qui seront déterminants.
Anticorps, nutriments, tabac, médicaments
Que la mère porte un embryon issu de ses ovules ou pas, pour l’embryon en question, durant la grossesse, cela ne fait pas de différence, constate Laurent Salomon, gynécologue obstétricien à l’hôpital Necker. Le placenta – un acteur clé dans notre sujet – fonctionne de la même manière.
Concrètement, au niveau de ce placenta, les racines fœtales trempent dans le sang maternel. Les échanges y sont « très intenses ». Des substances peuvent passer : à travers les membranes pour les plus petites, par un « transporteur » naturel pour les autres, ou par les cellules de la barrière, voire au travers de la barrière si celle-ci est abîmée. Enfin, certaines substances entrent directement par le vagin et le col de l’utérus.
Du côté des substances sympathiques qui peuvent passer, on recense :
- les nutriments (sucres, etc.) qui apportent de l’énergie ;
- l’oxygène ;
- la plupart des anticorps, qui vont persister pendant plusieurs semaines après la naissance, le temps que l’enfant développe les siens pour se défendre en cas de maladie.
Du côté des substances qui peuvent être nocives, on compte :
- les toxiques, en particulier les drogues, l’alcool, le tabac ;
- les substances infectieuses : certains virus, bactéries, parasites ;
- certains produits utilisés pour les examens médicaux ;
- certains médicaments (ce qui peut avoir un impact positif, d’ailleurs : pour soigner un fœtus malade, il est possible de donner un médicament à la mère… qui lui fera suivre).
Bref, c’est un peu l’auberge espagnole. Ce qui fait dire à Laurent Salomon que la grossesse « est une greffe qui fonctionne parfaitement ». Le corps de la mère accepte des éléments étrangers (les antigènes du père, comme les ovocytes d’une autre femme). Il est « immunotolérant ». Ce qui est rare. « Et on ne sait toujours pas exactement comment l’expliquer. »
Voix, langue, plaisirs et peurs
La psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval écoute toutes les semaines des femmes qui ont reçu un don d’ovocytes :
« Beaucoup disent : “Je sais bien qu’il n’aura pas les yeux de ma grand-mère”, mais elles sont persuadées qu’elles transmettent plus qu’on ne le croyait jusqu’à récemment pendant leur grossesse. Elles ont l’impression d’avoir dit une bêtise quand elles expriment ce ressenti. En réalité, même dans les colloques médicaux, la grossesse n’est plus considérée comme un simple portage. »
Et l’auteure de « Familles à tout prix » (Seuil, 2008) de raconter une patiente musicienne qui a reçu un don d’ovocytes et joué du piano durant les neuf mois, dans l’espoir d’avoir une fille musicienne. Une lubie inutile ?
Pas totalement, explique Laurent Salomon :
« Le fœtus modèle et développe son cerveau, qui est le support de la plupart de ses réponses comportementales, avec l’environnement qu’il a durant la grossesse. »
Il peut s’agir des voix, des sons, des langues qu’il entend dans le ventre. D’ailleurs, poursuit le médecin, dès sa naissance, l’enfant répond de manière différente à la langue entendue durant la grossesse. Il développe également une certaine sensibilité aux sons – agréables ou désagréables – qu’a entendus la femme qui l’a porté.
Cela va même plus loin. Le fœtus sent si ces sons, odeurs, ou autres, déclenchent du plaisir – ou de la peur – chez la femme qui le porte (en fonction des endorphines qu’elle produit). Résultat : « Le fœtus se sentira lui-même bien – ou mal – dans ces mêmes situations. » Il fabriquera les mêmes associations, au moins durant un certain temps.
Mais peut-on aller plus loin ? Au-delà du temps de la grossesse, le fœtus hérite-t-il d’un peu du patrimoine de la femme qui le porte ?
Les gènes ne passent pas par le ventre
Génétiquement, la mère porteuse « ne transmet rien, sauf scoop à venir », répond Stanislas Lyonnet, professeur de génétique à l’université Paris-Descartes :
« Le patrimoine génétique de l’embryon est déterminé à la conception. Quand l’embryon s’implante dans l’utérus, il a tout ce qu’on peut imaginer de patrimoine génétique. Le contact avec l’utérus maternel n’a pas d’influence. »
Pour lire la suite de l’article, c’est par ici.
IROUWEN
Les 2 sont importants, bien sûr que la génétique est essentielle, bien sûr que ce qui se transmet pendant la grossesse de la mère à l’enfant est essentiel. Bien sûr que dans un monde idéal, on a envie de porter un enfant issu de ses gamètes et de celles de la personne qu’on aime. Mais on n’est pas en PMA dans ce cas… Alors il faut faire parfois le deuil, de ses gamètes, de celles de son conjoint, t/ou de porter l’enfant en cas de GPA. Parce qu’on est obligé de s’inventer un autre chemin vers la parentalité. Et il ne faut pas minimiser l’un ou l’autre parce que cela nous arrange au vu de sa situation. On fait avec et on s’invente sa propre histoire de couple et avec l’enfant, … si on a la chance d’arriver là… Apo
Ses questions de l’inné et de l’acquis je me les pose maintenant, avant.
La transmission de gènes ne se résume pas à la transmission des caractéristiques physiques. Avoir un enfant qui ne soit pas notre copie conforme n’est pas important, qu’y-a-t-il d’autre de transmissible via les gènes ?
Si le don fonctionne, je pense que je me poserais d’autres questions comme : sa santé, son éducation, son avenir….. Comme toutes les mères quoi !
Merci Irouwen pour cet article et ton analyse. Je sais définitivement depuis peu que nous devrons partir vers le don d’ovocytes et en effet des tas de questions se bousculent. Alors comme Marinette ce n’est pas le problème que notre enfant ne soit pas ma copie conforme. Ce qui m’inquiète c’est l’après, la découverte d’une maladie génétique…. comment notre enfant va vivre le don ? mais en effet si le don fonctionne nous serons certainement comme toutes les mamans inquiètent tout simplement mais tellement heureuses