Amandine FORGALI – Interview du mois

Amandine Forgali, est l’auteure de 4 livres sur l’A.M.P., l’infertilité écrite du point de vue des personnes infertiles. Les deux premiers « Un GPS pour la cigogne, tome 1 et 2 » écrits en 2011 et 2013, racontent son parcours et ont rencontré un grand succès chez les couples infertiles. Puis  en 2015, « 1001 choses à ne pas dire aux infertiles, tome 1 et 2», compilent toutes ces « petites phrases » dites sur l’infertilité, sur les personnes infertiles et l’Assistance Médicale à la Procréation. Le but est plus « pédagogique » sur base d’humour grinçant, agrémentés des dessins de LUDOW.

  1. Amandine, tu es l’auteur de 4 livres sur l’infertilité, l’AMP. Tu as trois enfants, une vie professionnelle épanouie. Est-ce que tu te considères encore comme une personne infertile ? Si oui, si non pourquoi ?

Malgré le fait que mon troisième enfant ait été conçu naturellement, je considère que oui, je suis une infertile. Mes deux premiers enfants sont nés grâce aux techniques de Fécondation In Vitro, classique pour mon aîné, IMSI pour ma seconde. J’ai connu les « joies » de l’infertilité durant près de 10 longues années, avec son lot d’espoirs déchus, de larmes, d’attente cycle après cycle. Impossible de renier ce passé qui m’a tant fait souffrir et qui m’a pourtant tellement apporté. Je n’irais pas jusqu’à dire « Infertile un jour, infertile toujours » mais je crois que si mon corps ne l’est plus, mon cœur, lui, l’est toujours un peu, même s’il est rempli d’amour aujourd’hui.

  1. As-tu l’impression que ce passage (l’infertilité, puis l’AMP) de ta vie t’as rendu différente ?

Incontestablement. Personnellement, je suis passée par plusieurs phases, dont certaines pas vraiment charmantes. J’étais devenue la belle-sœur envieuse, l’amie aigrie, la collègue colérique, la conjointe au bord de la dépression. Néanmoins, cette épreuve m’a aussi permis de rencontrer des personnes formidables et m’a ouvert les yeux sur beaucoup de choses. Elle m’a appris la puissance de l’espoir, la combattivité, le dépassement de soi, la solidarité, l’empathie et l’humilité. Elle m’a surtout fait prendre conscience de l’immense chance qu’est la maternité.

  1. Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de ton premier livre « Un GPS pour la cigogne » ?

Le besoin de ne pas oublier. Mais il fut également mon exutoire. Il n’y avait qu’en écrivant toutes ces péripéties que je parvenais à les « digérer », à défaut de les accepter.

  1. Pour qui et pourquoi l’as-tu écrit au départ ? Manque de témoignages en France sur ce sujet, besoin d’exprimer haut et fort les souffrances éprouvées ?

Au départ, je l’ai écrit pour moi et pour mon éventuel enfant s’il arrivait, pour qu’il connaisse son histoire et qu’il sache combien il a été désiré. Je me disais : « Lui, une fois adolescent, il ne pourra pas me reprocher de ne pas l’avoir voulu ! ». Une fois le manuscrit terminé, je l’ai fait lire à quelques copinautes de galère qui m’ont vivement poussée à le faire publier. Selon elles, ce livre pourrait aider des centaines de personnes comme nous. À l’époque, je n’avais trouvé aucun livre dans lequel j’aurais pu m’identifier, ou me reconnaître et cela m’avait profondément manqué. Alors, animée par ce désir de changer les choses, j’ai décidé de chercher un éditeur.

  1. Est-ce que cela a été simple et évident de témoigner publiquement sur votre parcours d’infertilité ?

Le fait de témoigner publiquement ne m’a pas dérangée. Je suis fière de mon histoire et n’ai aucun mal à assumer cette partie de ma vie. Il en est de même pour mon « Chéri ».

  1. A l’époque (2010) est-ce que cela a été simple de trouver un éditeur ? Comment le sujet a-t-il été reçu par ces derniers ?

J’ai reçu de nombreuses lettres de refus. La qualité du texte n’était pas remise en cause mais le sujet était trop tabou et c’était un marché de niche, qui ne rapporterait pas. Puis, j’ai reçu trois réponses positives venant d’éditeurs quelque peu véreux. Etant novice sur le monde de l’édition à cette époque, j’ai accepté d’être publiée par l’un d’entre eux. Nous ignorions à ce moment-là que « Un GPS pour la cigogne » rencontrerait un tel succès. Le livre s’est vendu à des milliers d’exemplaires et je n’ai touché qu’une infime partie de ce qui me revenait. Après quelques années, j’ai réussi à quitter mon éditeur et me suis lancée dans l’autoédition, préférant garder ce « bébé » entre de bonnes mains, les miennes.

Pour les « 1001 choses à ne pas dire aux infertiles », ce fut différent. J’ai eu la chance de trouver une éditrice géniale, très à l’écoute et proche de ses auteurs. Elle a tout de suite adoré l’idée de mettre le blog en livre. L’humour noir utilisé pour dénoncer un tel sujet l’a emballée.

  1. Qu’est-ce que ces livres ont changé dans ta vie professionnelle et personnelle ?

Ces livres m’ont permis de réaliser un rêve qui m’était cher : devenir auteur. J’ai reçu maintes brimades et critiques de la part de certains qui n’acceptaient pas que je me qualifie d’auteur sous prétexte que mes deux premiers ouvrages sont des témoignages, sur l’infertilité qui plus est ! Peu importe, l’infertilité m’ayant appris à persévérer, j’ai continué sur cette voie et j’entends bien ne pas m’arrêter là.

  1. A la lecture de tes deux derniers livres « 1001 choses à ne pas dire aux infertiles, tome 1 et 2 », j’ai pensé aux Brèves de comptoir de Jean-Marie GOURIO, qui a compilé, inventé des phrases dites par des « piliers de bistro ». Des phrases drôles, idiotes, cocasses, dures, mais qui en disent plus longs sur les rapports humains que de grands discours. Comment as-tu procédé pour recueillir ces 1001 choses à ne pas dire aux infertiles ?

Cela n’a pas été compliqué, la plupart m’ont été personnellement adressée. Puis, au fil des articles, de nombreux lecteurs m’ont contactée pour me faire part de leurs propres phrases. J’en ai encore des dizaines en attente, qui hélas, resteront probablement dans l’ombre.

  1. Finalement a qui s’adressent-ils, aux couples infertiles qui vont y retrouver des situations vécues ou à l’entourage pour qu’il puisse tenter de prendre la mesure de l’impact des propos qu’ils peuvent tenir, volontairement ou non ?

À tous, bien sûr ! J’ai d’ailleurs eu de nombreux retours positifs de la part des infertiles qui me remerciaient pour ces ouvrages qui les ont aidés à dédramatiser, et de la part de l’entourage qui grâce à cela mesurait mieux le poids de ses mots.

Tout le monde connaît au moins un couple confronté à l’infertilité. Il serait donc d’utilité publique que ces livres soient lus par tous. Non, non, je n’exagère pas. Comment pourrions-nous espérer que les mentalités évoluent si nous-même ne faisons rien pour que cela change ?

Si personne n’avait jamais rien fait, nous serions encore toutes en train de vivre comme la femme de Cro-Magnon…

  1. Quels sont les retours que tu reçois de la part de tes lecteurs fertiles et infertiles, sur tes deux derniers ouvrages  « 1001 choses à ne pas dire aux infertiles » ?

Pour la grande majorité, ils sont très positifs. Il y a bien sûr dans le lot quelques personnes qui n’adhèrent pas à mon humour particulier, qui ne connaissent pas le second degré ou qui manquent cruellement d’empathie, mais le flot de remerciements que je reçois balaye bien vite ces « infertiles de l’humour ».

  1. Est-ce que tu constates une évolution dans la diffusion médiatique des auteurs qui écrivent sur l’infertilité entre tes premiers pas dans ce milieu et maintenant ?

Bien évidemment et c’est une très bonne chose. Cela signifie que le monde s’ouvre peu à peu. Lorsque j’ai commencé mes démarches pour faire connaître mes témoignages, je me suis faite refoulée par bon nombre de personnes. Un livre sur la PMA ? Horreuuuuuuur ! J’avais beau expliqué que ce n’était pas contagieux, rien à faire, c’était comme si j’avais la peste ! Avec en plus, un accent du Sud-Ouest beaucoup trop prononcé ! (et je n’avais même pas parlé de chocolatine, c’est pô juste !)

  1. Est-ce que tu as l’impression d’être une ambassadrice des femmes et des couples infertiles, puisque tu es à la fois, une femme qui a vécu un parcours d’infertilité et personne « publique »  ? 

Pas du tout. Je suis une femme qui a un vécu à partager, qui espère faire ouvrir les yeux à quelques personnes et souhaite encourager les nombreux couples en attente, rien de plus.

  1. As-tu d’autres projets d’écriture en lien avec l’infertilité ? Où as-tu l’impression qu’il est temps maintenant de passer à autre chose ?

Non, je tourne la page. J’ai la certitude d’avoir donné tout ce qu’il m’était possible de donner. J’y ai consacré énormément d’énergie et de temps. Aujourd’hui, je laisse faire celles et ceux qui sont encore pleins de ressources.

  1. Est-ce que tu as des projets de promotion ou de rencontre avec le public pour présenter tes livres ?

Pas pour le moment. Je travaille 3 week-ends sur 4 donc je dispose de peu de temps libre. De plus, je suis d’une timidité extrême donc mes apparitions sont rares. Mais je reste facilement accessible sur Internet, via ma page d’auteur sur Facebook ou sur mon site.

Merci Amandine

Merci à toi pour cet entretien, et pour tout ce que tu fais par le biais de BAMP.

 

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Site d’Amandine Forgali : http://amandine-forgali.e-monsite.com/

Page Facebook : https://www.facebook.com/AmandineForgaliAuteur/

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