Retours sur la conférence-débat chambre des notaires

« La vie des familles et de leurs droits patrimoniaux sont au cœur de notre quotidien » rappellent les notaires réunis au sein du Club du Châtelet, un cercle de réflexion proche de la Chambre syndicale des notaires. Le 30 janvier, ce club tenait une conférence à Paris sur le thème « Des nouvelles des enfants, la filiation en 2018 : adoption et PMA en question ». Dans la salle s’étaient glissés quelques esprits réactionnaires, opposés à toute modification des lois de bioéthique, mais avant tout opposés à la PMA tout court, ce qu’ils n’ont pas manqué d’exprimer en prenant le micro. Cette assemblée n’a cherché à polémiquer avec eux. Leurs interventions ont fait pchiiiit, c’est tout.
L’un des notaires invités à la tribune, Pierre Dauptain, auteur de plusieurs ouvrages (1), venait livrer un exposé passionnant sur l’évolution du droit de la famille, et c’est surtout avec lui que le public a voulu débattre. Son constat : la loi du 3 janvier 1972, qui pose l’égalité entre les filiations, a constitué une « révolution ». Avant elle, seuls les enfants légitimes héritaient. Après elle, les enfants « illégitimes » ont disposé des mêmes droits successoraux que les autres. Le droit a donc opéré une mutation en se concentrant désormais sur les intérêts des enfants.
Pour éclairer les changements de société d’aujourd’hui, le notaire-écrivain a fait l’inventaire des grandes étapes du passé. Il fait débuter son récit en 1966, « époque où l’homosexualité n’existait pas, ou alors seulement dans les milieux artistiques. Jean Marais est un grand séducteur de femmes, qui fait des cascades. Le mariage est une obligation dans la société ; on compte en moyenne 2,8 enfants par femme, et il y a beaucoup de grossesses non-voulues ». Mais 1966, c’est « aussi l’année de la loi sur l’adoption. Elle est ouverte aux célibataires. » D’entrée de jeu, les débats parlementaires de l’époque ont écarté une proposition d’« adoption directe »: soit la possibilité pour une femme de confier un enfant qu’elle ne souhaite pas garder à un couple qu’elle choisit et désigne comme les parents adoptifs. Rien à voir avec l’accouchement sous X, qui date de Pétain et autorise une femme à abandonner son enfant sans avoir la moindre idée de l’identité du couple qui l’adoptera. L’« adoption directe » a d’emblée été perçue comme un danger, celui d’une marchandisation de la grossesse et de l’enfant, un encouragement aux rémunérations secrètes… Cette proposition a donc été balayée. Dans la salle, plusieurs notaires font le parallèle avec la GPA. Différence de taille pourtant : dans le cas de l’adoption directe, l’enfant est biologiquement celui de la mère qui l’a conçu, porté et abandonné. Pas dans une GPA.

Pierre Dauptain, le notaire-écrivain, poursuit. En 1967, la loi Neuwirth légalise la contraception, les femmes sont demandeuses de la pilule. En 1972 arrive le tournant majeur déjà évoqué : toutes les filiations deviennent égales au regard du droit. Puis en 1975, c’est la légalisation de l’avortement. A la fin des années 70, la société opère un changement de paradigme : après s’être penché sur le sort des enfants orphelins, le droit s’intéresse aux parents en mal d’enfants.
En 1980 naît Amandine, premier « bébé éprouvette » français. En 1994, la France se dote de sa première loi de bioéthique, tournée vers le couple qui ne peut pas enfanter pour des raisons pathologiques. « Le législateur insiste pour que cette procréation demeure secrète, on fait le choix d’un non-dit et on l’organise », explique le notaire.
En 1999, la France vote le Pacs et le concubinage homosexuel entre dans le Code civil. « Deux personnes de sexes différents ou de même sexe forment désormais un couple ». En 2013, c’est la loi sur le Mariage pour tous, qui ouvre un droit à l’adoption. Les couples homosexuels qui souhaitent concevoir partent faire des PMA à l’étranger, ou des GPA.
Dans le même temps, la question de l’accès aux origines devient très sensible. Depuis 2001, l’Etat encourage les femmes qui accouchent sous X à laisser des informations à disposition de l’enfant. Et la question de l’égalité entre les citoyens progresse fortement. « Civilement, le mariage a pour finalité la fondation d’une famille, rappelle le notaire. Un livret de famille prévoit des pages vierges pour les enfants du couple ». La loi française peut-elle dans ces conditions continuer à interdire un accès à la filiation pour les couples homosexuels ?
En guise de conclusion, et en réponse au titre de la conférence du Club du Châtelet « Comment vont les enfants ? », Pierre Dauptain évoque le personnage de Charles Denner dans L’homme qui aimait les femmes, le film de François Truffaut. Un homme hanté par les femmes, qui fut un enfant non-désiré par sa mère qui le négligea toujours. L’exact inverse des enfants nés d’une PMA, puisqu’ils sont eux, tellement désirés par leurs parents. Et puisque la question des « problèmes psychologiques » semble obséder les opposants à la PMA, le notaire pose la question : entre les enfants non-voulus d’autrefois et les enfants tellement désirés qui naissent dans des couples non-mixtes, ou même de la volonté de femmes seules, lesquels seront les plus névrosés ? Mais le notaire se garde bien de répondre. Dans la salle, les anti-PMA ricanent et n’en doutent pas : les enfants nés de PMA ou de GPA feront de l’excellente chair à psy, métier d’avenir. Peut-on simplement convenir qu’au concours de névroses, c’est un peu comme à L’Ecole des fans de Jacques Martin, il n’y a pas de perdants. Nous sommes tous richement dotés.
Merci à M.J. pour ce compte rendu
(1) Dernier ouvrage paru : Et comment vont les enfants ? Réflexions d’un notaire sur l’évolution de la parentalité des années 60 à nos jours, Editions L’Harmattan, mai 2017.

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