Voici le replay du webinaire sur l’infertilité masculine. Avec Guillaume, bénévole de notre association à Nancy, Marie-Joëlle Gros en tant […]
SOPK : prendre soin ou mal traiter ?
« Je m’appelle Sophie*, j’ai 29 ans (30 ans dans 2 mois) et je suis en essai bébé depuis un peu plus d’un an (décembre 2019) malgré un désir d’enfant depuis 3 ans. Je savais au fond de moi, depuis plus jeune, que je n’arriverais pas à avoir d’enfant, du moins pas toute seule.
En 2012, suite à une consultation chez un endocrinologue à cause d’une pilosité excessive et d’absence de règles, on se rend compte suite à une échographie que je suis porteuse du Syndrome des Ovaires PolyKystiques (SOPK). Cependant, les examens en sont restés là et rien n’a été fait.
En 2016, je me fais opérer d’une sleeve qui me permet de perdre 30kg en 3 mois mais 4 ans après, j’en ai repris la moitié.
En août 2020 je consulte ma première gynécologue spécialisée dans la PMA, je rencontre une personne douce et agréable qui m’explique tout de même qu’il faut que je perde minimum 6kg pour avoir un IMC à 35 pour pouvoir commencer un quelconque traitement. Elle me donne RDV 2 mois plus tard avec les examens basiques (prise de sang, échographie, hystérosalpingographie, spermogramme). Aucun problème nul part si ce n’est au niveau de l’échographie, qui montre une nouvelle fois le syndrome du SOPK avec environ 35 follicules dans chaque ovaire.
Quelques jours avant de revoir la gynécologue, le secrétariat m’informe qu’elle part en congés maternité et me donne RDV 3 mois plus tard avec une de ses collègues. Je rencontre donc cette nouvelle gynécologue le 23 décembre 2020, à peine installée à son bureau elle me dit « Bon, le spermogramme de votre conjoint est normal, par contre vous, vous avez le SOPK. Va falloir perdre du poids sinon on ne fera rien ! »
Elle ne me laissait pas finir mes phrases, ne m’écoutait pas, me coupant la parole sans cesse..
Je ne retiens de ce RDV que des mots durs, une personne froide, du jugement et de l’antipathie.
« Je ne vous donnerai aucun traitement, ca ne fonctionnera pas« ,
« Vous faites du sport ?« ,
« Oui, oui avec le SOPK vous avez une insulino résistance qui peut vous donnez du mal à perdre du poids, mais déjà avec une perte de 5% ça pourrait s’atténuer un peu« ,
« Ah non mais je ne vous demande pas de perdre que 5% de votre poids hein, vous devez perdre 15kg ! Ce que vous avez repris après votre sleeve« ,
« Ma collègue est gentille car elle est trop jeune, elle n’a pas l’expérience que moi je peux avoir« ,
« Réapprendre à manger ne pourra qu’être bénéfique si un jour vous avez un enfant pour lui apprendre les bonnes bases« ,
Ce sont toutes ces phrases que je retiens de ce rendez-vous .. J’ai tout de même essayé d’avoir un peu d’empathie de sa part lorsqu’à la fin j’ai tentée de lui expliquer que j’étais triste car des femmes avec mon poids voire plus arrivaient très bien à tomber enceinte quand elles n’ont pas de problèmes liés à la fertilité, elle ne m’a pas laissée finir, s’est levée puis m’a répondue « Oui bah c’est comme ça, c’est la vie, c’est injuste. Je vous raccompagne puis vous passerez au secrétariat récupérer le numéro du service de nutrition« .
Du haut de mes 30 ans, évidemment que je suis consciente de devoir perdre du poids, mais me faire infantiliser et me faire passer pour un âne à qui l’on veut mettre une carotte devant le nez pour avancer me frustre autant que le fait de savoir que je ne peut tomber enceinte seule et réaliser mon rêve afin de combler la case qui manque à ma vie. Je me considère tel un pantin, une marionnette à qui on tiens les ficelles et dont on décide de sa vie et de son avenir… »
Il nous semble important de commencer l’année 2021 avec ce témoignage qui malheureusement n’est pas isolé. La prise en charge médicale, le soin sont régis par des principes éthiques dont le premier, enseigné aux étudiants de médecine : « PRIMUM NON NOCERE », parole d’Hyppocrate (en premier, ne pas nuire ou d’abord ne pas faire mal). Sophie pourtant à souffert pendant ce rendez-vous et elle en souffre encore……
Dans le témoignage de Sophie, il a deux aspects qui peuvent illustrer le non respect de ce grand principe : l’humiliation ressentie et la non prise en charge, l’abandon à son sort, qui engendrent de la souffrance psychologique néfaste au patient et à la relation avec le médecin.
Ce n’est pas ACCEPTABLE !
Un patient qui se sentira considéré, écouté, accompagné, pris en charge, sera un patient qui se sentira déjà mieux. L’objectif n’est pas de taire les problématiques du patient. Au contraire il faut, en parler, et chercher ensemble des solutions, dans une collaboration positive patient/médecin. Utiliser les problèmes médicaux et (éventuellement sociaux) du patients contre lui, pour lui « mettre la pression » par l’humiliation et le « chantage » ne nous semble pas être une prise en charge éthique.
Nous recevons trop de témoignages de ce type pour des personnes notamment avec des problématiques d’IMC trop haute, de patientes avec un SOPK avec comme seule injonction médicale : « PERDEZ du POIDS et revenez plus tard« . Si cette seule injonction suffisait, cela serait simple ! De plus en infertilité, la notion d’âge est l’élément prépondérant pour la fertilité, alors quid du décalage de prise en charge ? De plus, nous avons eu connaissance, notamment l’année dernière avec les recommandations Covid-19, de femmes qui se mettaient dans des situations médicales désastreuses pour perdre du poids, pour réussir à correspondre à l’injonction « Perdez du poids pour avoir l’IMC qui convient à une prise en charge en AMP » : avec arrêt de l’alimentation, vomissements systématiques, etc…… Nous sommes loin du primum non nocere……..
A l’heure ou « l’épidémie d’obésité » touche la population mondiale avec comme « coupables désignés », certes des problèmes individuels de nutrition et de manque d’activité physique, mais SURTOUT un problème collectif lié aux perturbateurs endocriniens dits « obésogènes » (les obésogènes sont des composés chimiques étrangers qui perturbent le développement normal et l’équilibre du métabolisme lipidique, ce qui, dans certains cas, peut conduire à l’obésité) et aussi perturber grandement la fertilité. Ils sont reconnus coupables des perturbations physiologiques hormonales qui induisent des modifications métaboliques chez les enfants et les adultes.
Il nous semble évident que les patients ont besoin d’informations, de prise en charge et non d’injonctions humiliantes. Ces patientes ont besoin de perdre du poids, elles le savent. Mais pas juste en arrêtant de manger ou en mangeant mieux. Car face aux perturbateurs endocriniens qui ont durablement perturbés leur métabolisme, leur combat est difficile. Pour que l’observance puisse exister elles ont besoin de sentir de la bienveillance médicale, des propositions thérapeutiques, d’accompagnement et de prises en charge qui puissent les aider vraiment et sur le long terme.
Sophie est sortie de ce rendez-vous SANS traitement pour son problème de SOPK, SANS prise en charge de son infertilité, avec le vague conseil de prendre rendez-vous avec le service diététique de l’hôpital. Mais ce qui n’est pas non plus acceptable, c’est qu’elle est sortie de ce rendez-vous plus mal, qu’en y entrant, humiliée et incomprise.
Notre association mets tout en œuvre pour nous n’ayons plus à recevoir ce type de témoigne. Nous souhaitons vraiment une prise de conscience des médecins concernés. Heureusement, de nombreux médecins proposent des prises en charge qui prennent soin de leur patientes.
Nous terminons sur un rappel important concernant la santé :
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Elle représente « l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soit sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale », un droit consacré dans le Préambule de la constitution de l’OMS (1946).
*prénom modifié