Infertilité : A quand un “réarmement” scientifique, éthique et logistique ?

8 mars 2024 : tribune collectif BAMP !

Le 16 janvier, le Président de la République annonçait vouloir en finir avec « le tabou de l’infertilité » et souhaitait mettre en place un grand plan de lutte contre l’infertilité. Passé le moment de joie, nous avons vite compris que tout ne serait pas si simple. Alors que depuis des années l’association tente d’alerter les pouvoirs publics autour des problématiques liées à l’infertilité en France, nous ne comprenons toujours pas pourquoi ce grand plan Fertilité n’avance pas de façon concrète, efficiente et efficace. Des travaux ont pourtant été menés pour aider le gouvernement à construire une politique en faveur des personnes infertiles et d’une nouvelle AMP en France. Un rapport sur les causes des infertilités, incluant des axes et propositions de travail, a été remis, en février 2022, par S. Hamamah et S Berlioux. L’axe 5 de ce rapport sur la recherche, s’est récemment concrétisé via le lancement d’un PEPR “santé de femmes et santé des couples”, nous nous en réjouissons grandement ! Mais le temps de la recherche est long, il faut par ailleurs agir auprès des jeunes, faire de la prévention sur la fertilité et les informer. Il faut aussi améliorer les prises en charge des personnes en parcours d’AMP. Rappelons que 3,3 millions de personnes sont directement touchées en France soit près de 6,6 millions en tenant compte des conjoints. L’infertilité est devenue un enjeu de santé publique majeur, sans pour autant n’avoir jamais été traitée comme telle par les pouvoirs publics. A l’école, 1 enfant sur 30 est conçu par assistance médicale à la procréation (AMP) soit un par classe (en moyenne). Aujourd’hui, un couple sur quatre met plus d’un an pour devenir parent. Tous ces chiffres montrent l’importance du sujet.

Que faut-il faire pour lever le tabou de l’infertilité ? Que faire pour que les parcours d’AMP ne soient pas si souvent synonyme d’échec ?

Aujourd’hui en France certaines régions manquent cruellement de gynécologues et de sage-femmes, il devient urgent de prendre rapidement des mesures concrètes et facilement applicables pour permettre une offre de soin plus homogène sur tout le territoire.

Comment pouvons-nous prendre soin de la santé des femmes quand il est parfois impossible de consulter une gynécologue ?

Comment pouvons-nous prendre soin de la santé des femmes quand l’accès aux soins et à des diagnostics prend parfois plusieurs mois avant de décrocher un premier rendez-vous ?

Comment pouvons-nous prendre soin de la santé des femmes quand les patientes vivent l’errance médicale, quand les douleurs ne sont pas prises en compte, quand les symptômes sont ignorés ?

Comment pouvons-nous prendre soin de la santé des femmes quand il faut faire des heures de route pour trouver un médecin compétent en lien avec nos pathologies ? Les conjoints doivent aussi prendre leur part dans cette question médicale de la santé reproductive. Ils ont eux aussi besoin d’accéder à de l’information spécifique, ils ont eux aussi besoin de médecins spécialisés sur la santé et la fertilité masculine.

Nous attendons une politique concrète et efficace qui permettrait de réduire drastiquement les délais de prise en charge en assistance médicale à la procréation.

Peut-on tolérer en 2024 qu’il faille attendre parfois une année entière pour une première prise de contact dans un centre d’AMP ? Voir plus dans certaines villes et pour certaines prises en charge (autoconservation, don de gamètes) quand ce n’est tout simplement pas une fin de non-recevoir : “il n’y a plus de rendez-vous possible pour vous”.

Peut-on tolérer qu’il faille attendre parfois 6 mois avant de pouvoir bénéficier d’une nouvelle tentative à la suite d’un échec ?

Il existe des mesures simples qui permettraient de faire baisser ces temps d’attente pour un premier rendez-vous : l’ouverture de toutes les activités d’AMP à tous les centres du territoire. Aujourd’hui, un centre sur deux ne peut pas pratiquer l’ensemble des actes possibles en AMP car la loi ne l’y autorise pas.  Il est urgent de mieux répartir la file active des patients entre l’ensemble des centres d’AMP.

Aucun progrès ne pourra être fait sans une politique ambitieuse en faveur des nouveaux moyens de diagnostics, incluant l’utilisation de la génétique, de l’immunologie, de l’intelligence artificielle. Permettre à tous les patients en parcours, la prise en charge par la sécurité sociale de diagnostics “innovants” comme le MatriceLab, le Win test, le test Ziwig permettraient davantage d’efficacité, de gain de temps et favoriserait la justice entre les patients. Est-il acceptable que seuls les patients ayant les ressources suffisantes puissent bénéficier de ces diagnostics ? Pour beaucoup de patientes et patients les frais induits par l’ensemble du parcours sont loin d’une prise en charge à 100 % “Infertilité”. Il est plus que temps que soit autorisé en France le DPI-A (diagnostic préimplantatoire des aneuploïdes).

Pourquoi la France, autrefois pionnière, accepte-t-elle de s’enferrer dans tous ces domaines ? Pourquoi la France continue-t-elle d’autoriser une interruption de grossesse au début du deuxième trimestre de grossesse (dans le cadre d’une IMG) alors qu’elle interdit en parcours de FIV de savoir avant le transfert de l’embryon si celui-ci est euploïde (se dit des cellules qui ont un nombre chromosomique normal) ou pas ? Aujourd’hui on transfère en FIV des embryons aneuploïdes ayant un potentiel implantatoire proche de zéro.

Pourquoi la France ne permet pas aux femmes d’avoir des réponses à leurs questions concernant les échecs d’implantation ? La France a-t-elle les moyens de dépenser inutilement de l’argent public en multipliant des tentatives vouées à l’échec ?

Les femmes ont-elles réellement les moyens physiques, psychiques et financiers de supporter ces échecs à répétitions, souvent par simple manque de diagnostics ou de recherches ?

Les patientes et les patients demandent une AMP plus moderne, plus efficiente, plus humaine.

Notre association COLLECTIF BAMP est force de propositions sur l’ensemble des sujets.  Nous sommes prêts à travailler sur ces axes et avec cette ambition : une santé reproductive efficiente et respectueuse des patients, pour une AMP du XXIème siècle. Nous attendons une réelle prise de conscience de la société, de nos politiques sur l’urgence de la situation. Maintenant que des mots ont été posés par le Président Macron, il est grand temps de mettre en place des solutions à nos maux. Aussi nous souhaitons légitimement être pleinement associés à cette stratégie de lutte contre l’infertilité.

Les membres du Conseil d’Administration de l’association COLLECTIF BAMP !

Le 8 mars 2024

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