Nous vous rappelons l’existence de groupes de paroles organisés par le Réseau de Santé Périnatal Parisien sur la problématique des […]
Alimentation et santé reproductive
Il est désormais établi que notre environnement, notre mode de vie, et plus particulièrement l’alimentation, influencent notre fertilité. Mais quels sont précisément les liens entre l’alimentation et la santé reproductive des hommes et des femmes ? En quoi nos choix alimentaires sont-ils si importants pour notre santé reproductive ? Que se passe-t-il dans notre corps quand nous mangeons ?
Il existe de nombreuses motivations à manger : nous mangeons par besoin, par instinct, par plaisir, par convention sociale, par nécessité pour notre santé. L’alimentation se présente à la fois comme un allié, voire un facteur de protection contre certaines maladies. C’est le cas notamment de la consommation de fruits et légumes qui nous protège contre l’apparition de certains cancers. A l’inverse, l’alimentation peut constituer un facteur de risque et mener à certains dysfonctionnements de l’organisme : c’est le cas d’une alimentation insuffisante (par manque d’apport), excessive ou déséquilibrée par exemple.
Une alimentation déséquilibrée peut entraîner un surpoids, une obésité ou des désordres métaboliques. Plusieurs études épidémiologiques ont observé la relation entre un IMC élevé et les troubles de la fertilité des couples (source INSERM). L’IMC est l’indice de masse corporelle, obtenu à partir du poids et de la taille d’une personne (poids sur taille au carrée). Chez l’homme, le surpoids et l’obésité sont associés à une altération des paramètres spermatiques. Chez la femme, le risque d’infertilité après un an de tentative est augmenté de 27% en cas de surpoids et de 78% en cas d’obésité. Le risque d’anovulation est multiplié par 3 à 4 pour un IMC supérieur à 32 kg/m2.
Hors situation de surpoids / obésité, une alimentation non adaptée peut entraîner des carences ou des déficiences, notamment un manque d’antioxydants qui pourrait entraîner un excès de stress oxydatif et perturber les fonctions reproductrices. Le stress oxydatif est le déséquilibre entre la production par l’organisme d’agents oxydants nocifs (radicaux libres, notamment) et celle d’agents antioxydants (comme les vitamines E et C). Il entraîne une inflammation et la survenue de mutations ou de cassures de l’ADN.
Que se passe-t-il quand nous mangeons ?
Les aliments que nous ingérons sont dégradés par notre système digestif puis absorbés. Ils nous apportent de l’énergie, permettent le bon fonctionnement de nos cellules et les réactions chimiques qui ont lieu chaque seconde dans nos corps. Physiologiquement, nous avons besoin de nous nourrir afin de respirer, faire battre notre cœur, bouger, digérer, grandir. Une alimentation variée, équilibrée et adaptée à nos étapes de vie est nécessaire pour rester en bonne santé et assurer toutes les fonctions de l’organisme, y compris la fonction reproductive.
Dans le cas d’une alimentation peu ou pas adaptée, il se peut que notre fonction de reproduction dysfonctionne, comme c’est le cas de nos fonctions cardiaque, digestives, motrices…
Quelle alimentation adopter ?
Puisque les parcours d’infertilité peuvent être contraignants, l’idée n’est pas d’adopter une alimentation restrictive ou compliquée. Certains aliments ou groupes d’aliments peuvent ne pas être forcément intéressants pour notre santé, y compris notre santé reproductive. C’est le cas par exemple d’un excès de produits sucrés, d’acides gras saturés* et trans** contenus notamment dans les produits ultra-transformés industriels. Mais il faut considérer leur consommation plus globalement (en quelle quantité sont-ils consommés ? à quelle fréquence ?).
*Les acides gras saturés sont les lipides contenus surtout dans les graisses d’origine animale (beurre, crème fraîche, fromages, charcuteries, huile de palme, pâtisseries industrielles). Ils ont tendance à favoriser les dépôts de cholestérol dans les artères et à augmenter les risques de maladies cardiovasculaires.
**Les acides gras trans sont des graisses hydrogénées d’origine industrielle. Ils sont ajoutés aux produits transformés car ils sont plus stables et plus faciles à utiliser que les acides gras naturels. Ils favorisent les dépôts de plaques d’athérome et sont délétères à notre santé cardiovasculaire. On en trouve essentiellement dans les soupes en conserve, les pâtisseries et biscuits industriels, certaines pâtes à tarte et margarines, les biscuits apéritifs, les pâtes à tartiner ou encore les barres de céréales. Repérer la mention « huile hydrogénée » dans la liste des ingrédients.
L’alimentation variée, équilibrée et adaptée aux besoins est un équilibre à trouver sur le long terme. Elle repose sur nos petits choix du quotidien, sur l’acquisition d’habitudes. De manière générale, évitez les restrictions et les évictions (sauf celles exigées par votre santé et encadrées par un médecin ou un diététicien-nutritionniste). Il est important de rester flexible afin que l’alimentation s’adapte à la vie et qu’elle ne soit pas une source de contrainte.
Nous ne souhaitons pas non plus présenter l’alimentation comme une solution magique aux situations d’infertilité. Néanmoins, et associée avec un mode de vie adapté (activité physique régulière, mode de vie excluant au maximum les perturbateurs endocriniens), elle demeure un réflexe santé indispensable pour toute la vie, qui soutient notre énergie, notre motivation, notre sommeil et nous protège contre certaines maladies. Et va même jusqu’à impacter la santé de nos futurs enfants.
Une démarche long terme
Une alimentation variée et équilibrée est une démarche qui s’apprécie sur le long terme, même si l’on peut déjà voir des résultats positifs (sur le poids, l’énergie) au bout de 1 à 3 mois. L’impact positif des changements alimentaires et de mode de vie sur la fertilité s’apprécie, chez l’homme comme chez la femme, au bout de 3 à 6 mois en moyenne. En effet, il faut prendre en compte les durées des processus reproductifs (respectivement, la folliculogénèse chez la femme et la spermatogénèse chez l’homme). Chez la femme par exemple, bien que chaque cycle dure entre 21 et 45 jours, la folliculogénèse (le processus de production des gamètes) commence bien avant le cycle en cours. Si bien que la qualité d’un cycle menstruel (présence d’une ovulation et qualité de l’ovulation) est le reflet d’un processus ayant démarré bien plus tôt, 2 à 3 mois auparavant, processus influencé par l’hygiène de vie des mois précédents.
Que vous soyez en parcours d’AMP ou non, il peut être intéressant d’améliorer l’hygiène de vie qui a un impact sur la production des gamètes (chez l’homme et la femme), la qualité de l’ovulation et la possibilité d’implantation de l’embryon.
L’alimentation favorable à la santé reproductive
Nous avons souhaité entrer dans le détail des nutriments indispensables à la santé reproductive, afin de mieux comprendre leurs rôles dans le cadre d’une alimentation équilibrée. Ce récapitulatif d’une alimentation favorable à la santé reproductive intègre les recommandations du PNNS, le Programme National Nutrition Santé de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail).
- Une source de protéines (végétale ou animale) à chaque repas
Elles sont indispensables car elles permettent un apport en acides aminés intervenant dans toutes les fonctions de l’organisme (notamment la fonction hormonale). Les hormones régulant le cycle féminin (notamment la LH et la FSH) sont fabriquées à partir de protéines !
- Une source de glucides à chaque repas
Ils sont indispensables et jouent le rôle de carburant pour notre organisme.
- Une source de lipides à chaque repas
Ils sont souvent évités en raison de leur teneur énergétique élevée, pourtant ils sont indispensables à la fabrication des hormones (donc impliqués dans la fonction reproductrice). Le cholestérol notamment est indispensable à la synthèse des hormones sexuelles. Les lipides, en tant que constituants des membranes de nos cellules, jouent un rôle essentiel dans la composition et la fluidité des membranes des ovocytes et des spermatozoïdes. Ils permettent notamment le mécanisme de pénétration des spermatozoïdes dans l’ovule.
Les dernières études sur les consommations et les habitudes alimentaires indiquent que l’alimentation des français est trop riche en oméga 6, ce qui peut induire des déséquilibres physiologiques. Il est recommandé d’augmenter la consommation d’omégas 3 pour rééquilibrer le rapport oméga 6/oméga 3.
Le rôle du DHA, un certain type d’oméga 3, a été démontré par plusieurs études dans les mécanismes de fertilité. On le trouve dans les poissons et huiles de poissons.
- Augmenter la consommation des aliments sources de fibres
Les dernières études sur les consommations et les habitudes alimentaires des français montrent des apports en fibres de 20 g/j en moyenne chez les adultes, ce qui est largement en dessous des recommandations de l’ANSES qui préconisent 30 g de fibres / jour. Les fibres sont indispensables à une alimentation équilibrée car elles jouent de nombreux rôles. En effet, une alimentation riche en fibres :
- Contribue à lutter contre l’apparition du diabète, grâce à leur action de régulation de la glycémie (elles limitent l’absorption des sucres par l’organisme). Une mauvaise régulation de la glycémie est impliquée dans les troubles métaboliques, la prise de poids et l’insulinorésistance, qui eux-mêmes impactent la santé reproductive.
- Contribue à la diminution du cholestérol sanguin (le LDL, “mauvais” cholestérol), en limitant l’absorption des graisses par l’organisme, jouant ainsi un rôle dans la prévention des maladies cardiovasculaires,
- Augmente la sensation de satiété, donc aide à la régulation des prises alimentaires,
- Favorise le transit intestinal.
Selon la tolérance digestive de chaque individu, les fibres peuvent être irritantes si elles sont ingérées en trop grandes quantités, et peuvent créer des ballonnements ou des douleurs intestinales, en particulier pour les personnes qui n’ont pas l’habitude d’en consommer en quantité suffisante. Pour éviter ces désagréments :
- augmenter la consommation d’aliments apportant des fibres de façon progressive
- bien mastiquer
- boire suffisamment d’eau
- cuire les aliments les plus « indigestes » car la cuisson améliore la tolérance
En plus d’être riches en fibres, tous ces aliments apportent des vitamines et minéraux en grande quantité.
- Augmenter la consommation de prébiotiques et probiotiques
Ils sont à consommer régulièrement pour soutenir le microbiote intestinal et assurer une bonne assimilation et digestion des nutriments.
- Assurer la couverture des besoins en micronutriments
Certains micronutriments sont impliqués en particulier dans les processus de reproduction.
Tous ces nutriments doivent être apportés régulièrement par l’alimentation (et sont présents dans une alimentation variée, équilibrée et de saison). Des supplémentations sont possibles mais elles doivent toujours être encadrées par un professionnel de santé. Que ces nutriments soient apportés par l’alimentation ou par une supplémentation, ils nécessitent, pour être bien assimilés, que notre écosystème intestinal soit équilibré avec une muqueuse intestinale saine. L’alimentation variée et équilibrée, composée de beaucoup de végétaux (riches en prébiotiques, probiotiques et fibres), permet une flore intestinale de qualité, donc une bonne assimilation des nutriments et de bonnes défenses immunitaires.
Quelques repères…
Et les perturbateurs endocriniens dans tout ça ?
Les perturbateurs endocriniens sont des substances d’origine naturelle ou artificielle dont la structure est proche de celle des hormones. Ces substances peuvent alors perturber le fonctionnement du système endocrinien et induire des effets non souhaités sur l’organisme, notamment sur la fonction reproductrice. En effet, le système endocrinien régule de nombreuses fonctions, dont la production de spermatozoïdes, la régulation du cycle menstruel, mais également le métabolisme, la glycémie, le cœur, le sommeil, etc.
On en trouve dans l’alimentation (résidus de pesticides issus des cultures, produits phyto-sanitaires, certains additifs alimentaires, métaux lourds), dans les contenants plastiques, dans les ustensiles de cuisine (poêles anti-adhésives, canettes, barquettes de plats préparés, revêtements de boîtes de conserve…).
Quelques conseils :
- Limiter la consommation de produits et plats industriels qui sont susceptibles de contenir des perturbateurs endocriniens. Ils sont souvent conditionnés à chaud dans des contenants en plastique, ce qui majore l’exposition aux perturbateurs endocriniens. Privilégier une alimentation brute, une cuisine faite maison, car la composition est plus facile à maîtriser.
- Choix des aliments :
- fruits et légumes frais issus de l’agriculture biologique ou de proximité pour limiter l’exposition aux pesticides
- à défaut de fruits et légumes bio, aller vers des produits de saison, frais et locaux car ils sont moins traités avec des traitements fongiques (pour leur stockage et conservation). Frotter les fruits et légumes non bio sous l’eau avec une brosse à légumes, afin d’éliminer les traces de pesticides.
- viandes avec un label qualité, de préférence d’origine fermière et locale
- aller vers les petits poissons (plutôt que les gros prédateurs) afin d’éviter l’intoxication au mercure
- Contenants alimentaires : éviter les contenants en plastique, les boîtes de conserve, et aller vers des contenants en verre, porcelaine, inox, pierre naturelle, en particulier lors d’un réchauffage au micro-ondes ou pour la consommation d’un plat chaud ou d’une boisson chaude. En effet, la chaleur augmente fortement les risques de migration dans les aliments.
En résumé
- Une alimentation variée, équilibrée et de saison
- Éviter les restrictions, les évictions (sauf celles exigées pour raison médicale) et les excès
- Privilégier les aliments bio et locaux si possible
- Privilégier les aliments bruts et complets (ou semi-complets)
- Eviter l’alcool, l’excès de sucre et les produits industriels transformés
- Consommer des légumes et fruits variés, crus et cuits
- Consommer suffisamment d’oméga 3
- Manger des protéines de qualité à chaque repas
- Bouger tous les jours (30 minutes d’activité à intensité modérée / jour)
- Prendre du temps pour soi, favoriser un sommeil de qualité et un bon équilibre psychique
- Les compléments alimentaires peuvent compléter un mode de vie équilibré, cependant toute supplémentation n’est jamais anodine et doit être encadrée par un professionnel de santé. Attention également aux interactions médicamenteuses.
N’hésitez pas à vous faire accompagner par un professionnel de la nutrition diplômé si vous en ressentez le besoin.
Caroline SIMON, diététicienne-nutritionniste en formation