AMP, TRAVAIL et santé des femmes : rapport Sénatorial

Comme vous le savez, notre association porte le sujet de l’AMP et du travail depuis sa création. Nous avions obtenus en 2016, suite à la mobilisation des bénévoles et des adhérents, les autorisations d’absence pour les parcours d’amp. Depuis cette date, nous continuons à nous mobiliser sur ce sujet, auprès des patientes et patients qui nous sollicitent pour des conseils et auprès des politiques pour que les choses évoluent (voir notre Manifeste aussi).

Au mois d’avril 2023, nous avons été auditionné par la délégation aux droits des femmes du Sénat qui s’est saisi d’un thème important : la santé des femmes au travail. Merci à Nathalie MASSIN, endocrinologue de la reproduction au centre d’AMP du CHI de Créteil, qui a permis que nous participions à cette table-ronde au Sénat.

Le 28 juin les sénatrices ont présenté le rapport issu de leur auditions : « Rapport d’information sur la santé des femmes au travail : des maux invisibles« . Elles proposent 23 recommandations

Nous avons pu présenter tous ces éléments que nous vous livrons aujourd’hui (voir plus bas). Tout n’a pas été repris dans le rapport, mais nous constatons que c’est un pas supplémentaire dans la prise de conscience de la situation vécue par les personnes en parcours d’AMP, par des instances politiques. Et c’est très important. Nous allons continuer à suivre et à agir sur ce sujet. Nous sommes fières du travail que nous accomplissons sur ce sujet depuis de nombreuses années, de voir qu’il porte ses fruits.

Voici les 23 recommandations que les Sénatrices de la délégation aux droits des femmes proposent dans leur rapport :

CONSTATS et PROBLÉMATIQUES que nous avons présentés aux Sénatrices :

L’articulation AMP et TRAVAIL est un sujet complexe car c’est la rencontre d’espace de la vie qui ont des objectifs et des valeurs différentes. Une relation qui se joue encore trop souvent dans un contexte « dominant-dominé » et encore plus lorsque ces interactions se joue au détriment des femmes. Cela crée des tensions en termes de conflits vie privée/vie pro pour un sujet encore mal considéré en France. Charge mentale, physique et émotionnelle encore très largement portées par les femmes, même celles qui ne sont pas infertiles, mais qui vivent avec un homme infertile pas exemple. Ce sont elles qui subissent les examens, les traitements, les interventions médicales. La société dans son ensemble ignore l’infertilité et porte des préjugés sur les personnes qui doivent passer par ce chemin pour avoir des enfants. Et de l’autre côté, par crainte de la stigmatisation, de la mise à l’écart, du jugement, les personnes concernées taisent les difficultés qu’elles traversent.

AMP et TRAVAIL deux sphères interconnectées, mais très éloignées l’une de l’autre en termes de valeurs :

  • TRAVAIL = efficacité, performance, rendement.  
  • AMP = fragilité, échec, intimité.   
  • Représentations sociales au sujet de la fertilité, l’infertilité et l’amp est globalement déformé dans la société, pas de considération pour cette étape de vie, ni pour la recherche, sujet absent des politiques pourtant récentes : exemple le projet 1000 premiers jours qui n’a pas inclus le parcours des personnes infertiles dans ses travaux.  Ou encore la stratégie Santé Sexuelle. Même s’il y a eu évolutions, le corps social reste marqué par ces préjugés et méconnaissances héritées d’une autre époque ;
  • Impact très important de l’infertilité et de l’amp sur la vie des gens : Toutes les sphères sont impactées et sur du long terme pour beaucoup de personne, du fait des taux de réussite en AMP qui restent faibles. Ruptures, sexualité, dépression, souffrances physiques et morale + Rejet par la société.  Santé mentale et santé physique infertilité/amp impact psycho-social est variable en fonction des personnes et des durées des parcours. ISOLEMENT, perte de l’insouciance, échec, INCERTITUDE (sur le moment d’une grossesse possible), douleur invisible. « Tu n’es pas malade », « tu n’as qu’à adopter », « tu n’as qu’à arrêter d’y penser », « je peux montrer à ton mari comment faire »…..
  • Femme enceinte/entreprise = Aujourd’hui c’est encore un problème pour l’entreprise (remarques, pression, mise au placard, pas évolution salariale, pression, harcèlement moral). Alors l’avant grossesse marqué par l’infertilité et le recours à l’AMP (avec son lot d’incertitude, de RDV, d’imprévus, de temps longs) et les représentations qui y sont associés (déjà trop d’enfant dans le monde, tu n’as qu’à adopter, une FIV et hop c’est réglé) est un moment encore plus compliqué car pas encore la légitimité historique (quoique encore fragile), de LA FEMME ENCEINTE car nous sommes juste des FEMMES EN ESSAI, pas légitimes = donc poids potentiel encore plus important / entreprise.
  • Enquête que nous avons réalisés auprès des patientes et/ou auxquelles nous avons participé à les construire.
  • 2018 Vécu et perceptions du parcours en AMP = 63% des femmes disent que l’AMP impact sur temps de travail, 59% se disent stressées au travail , 54% des femmes retardent ou renoncent à changer de travail.
    • 2020 enquête LUE AMP, le projet parental à l’épreuve du parcours médical :  Les répondantes expriment un « Fort impact des parcours d’AMP sur les aspects physiques, psychiques et symboliques du rapport au corps », des hommes et des femmes, de tous les âges pour les femmes, 95% des personnes interrogées font état d’une image totalement altérée de la perception de leurs corps…
    • Sondage réalisé en octobre 2022 avec IPSO 84 % des femmes interrogées disent que le « Parcours amp a un impact sur leur vie professionnelle », 81% sur leur vie de couple, 94% parcours stressant,
  • Ce qui doit être souligné c’est que le droit et là, mais en pratique les employeurs mettent encore la pression « Nous n’avons pas à gérer vos problèmes, vous n’avez qu’à démissionner », « Non le droit du travail ne s’applique pas pour vous ». Aujourd’hui encore nous informons, nous conseillons sur ce sujet : droit du travail ou conflit avec employeur sur interprétation de l’article L1225-16, Essentiellement à cause d’employeurs qui contestent le droit
  • Femmes : Peur de la stigmatisation, ne veulent pas que des éléments de leur vie privée soient diffusés dans le cadre professionnel, malgré la protection des articles de loi qui protègent la vie privée : Article 9 alinéa 1code civil et Article 226-1 du code pénal, volonté de préserver sa vie privée, intimité, sexualité, estime de soi, fragilité / performance professionnelles, image de la personne dans le cadre professionnel. Elles ne disent rien, elles subissent et s’épuisent.
  • D’autres femmes mettent en place des Stratégies pour gérer au mieux/emploi/projet et santé mentale, imposées par la situation pro difficile.  
  • Choix par défaut réduire son temps de travail via intérim, démission, pour mieux articuler AMP et TRAVAIL = moins pression, mais perte ressource et d’épanouissement perso.
    • Choix imposé par le contexte pro = mise au placard, licenciement, chômage = impact sur les revenus, sur les projets pro, l’estime de soi
  • Prise en charge médicale infertilité et la prévention Fertilité. C’est pour nous un point important = éviter les parcours, les rendre plus efficace, améliorer les techniques, améliorer l’accès aux soins /territoire. Rassembler les RDV sur une matinée
  • Question des temps de trajet entre le domicile, le centre d’amp, l’entreprise = flou dans la loi= argument souvent utiliser par les employeurs pour remettre en question le droit au AA. Dans le même temps ce flou fait que certaines entreprises sont très généreuses (demie journée, voir des journées et même plusieurs jours à vérifier) = inégalités
  • Penser aux zones rurales, lorsque le centre le plus proche est à deux heures voir plus de route, ce sont des journées entières de travail qui sont perdues. Déserts médicaux/soins, rdv.
  • Penser aux DROM COM voyage très longs, rupture pro, séjours en Métropole, Santé mentale et physique ++, isolement, perte des repères alors que l’on déjà fragilisées

PROPOSITIONS de notre association :

  • C’est la société et le monde du travail qu’il faut changer pour plus de bienveillance, plus de considération pour les femmes, leur santé, et plus de considération de l’articulation vie privée / vie professionnelle. Voire les travaux d’Iréne Lucile Hertzog (Irène-Lucile HERTZOG Spécialité SOCIOLOGIE DEMOGRAPHIE au sein de l’Université de Caen Normandie ; laboratoire du CERReV) « Articuler assistance médicale à la procréation (AMP) et vie professionnelle : le travail invisible des femmes« 
  • Ne pas oublier les hommes ! Les parcours se font à 2, les hommes sont aussi infertiles que les femmes, mais la charge mentale des parcours d’AMP repose encore beaucoup sur les femmes ! Investir plus les hommes.
  • Fertilité, infertilité = sujets de santé publique IL FAUT AVANCER SUR ce point = considération, légitimité, existence, en parler autrement pour penser et agir autrement. Voir Manifeste de notre association et rapport sur les causes d’infertilité remis à Olivier VERAN en février 2022.
    • Rapport sur les causes d’infertilité, mettre en œuvre les recommandations
    • Infertilité et projet parentaux, ne plus oublier l’avant grossesse
    • Baisse de la fécondité, projet parentaux et société : Parentalité est une histoire privée qui impacte la société, impacts socio-économiques
    • Améliorer les prises en charge : taux de réussite, délais réduit pour obtenir grossesse, moyens pour former, accueillir, accompagner. Mieux diagnostiquer, personnaliser les prises en charge, prendre en charge tout le monde (jeunes, vieux, gros, maigres, en France).
    • Téléconsultation quand c’est possible, maisons de santé qui regroupe les professionnels
  • ETAT
    • Politiques publiques, pour insuffler changements réels santé des femmes / travail mais aussi sur l’AMP (Prévention et amélioration des parcours). Faire respecter la loi, les droits, en créer de nouveaux. Faire respecter le droit du travail et mettre en œuvre dans les entreprises les conditions de confidentialités (code pénal / Santé) qui sont nécessaire pour que les personnes osent l’utiliser et que le droit soit respecté. Campagnes de communications publiques sur ces sujets. Mobiliser les partenaires sociaux, les entreprises, syndicats
    • Soutenir les associations qui font un travail de terrain
  • ENTREPRISES
    • Formation et des informations au sein des entreprises sur la fertilité, l’infertilité, l’amp pour sensibiliser les collaborateurs, les RH, les patrons. Attention spéciale sur le toutes petites et moyennes entreprises. Car plus facile dans les grands groupes.
    • Cercle vertueux : entreprises qui ont déjà mis en place des actions pour mieux accompagner l’articulation vie privée/vie professionnelles pour montrer les bons exemples et insister les autres à s’engager dans une considération plus bienveillante de cette articulation. Mettre en valeur leurs actions (voir Observatoire des temps de vie avec la charte de la parentalité en entreprise, Parental challenge aussi)
    • Bienveillance, efficacité, bonne santé = valeurs qui doivent devenir dominantes
    • Renforcer la formation et les rôles des médecins du travail sur ces questions, tiers, interlocuteur
  • Évaluation de l’application des AA pour parcours d’AMP. Notre association va lancer une grande enquête sur ce sujet.

BAMP propose déjà :

  • Notre tribune collective 8 mars qui rassemble différentes associations depuis 3 ans maintenant : POUR une meilleure considération des droits des femmes au sujet de leur santé. « Une santé spécifique, des droits spécifiques !« 
  • Notre dossier AMP TRAVAIL que nous remettons à tous nos adhérents et affiches pour communication
  • Conseil et accompagnement dans les démarches pour réassurance vis-à-vis des droits
  • Enquête LUE AMP : Le projet parentale à l’épreuve du parcours médical =
  • Le dispositif Fertility Support pour mieux accompagner les personnes en parcours de FIV

Ce que nous avons fait ces derniers mois sur ce sujet :

  • Nous avons répondu à deux demandes de formation (Ubisoft et Enedis Avignon)
  • Nous avons interpellé les conseillers du ministère de la santé et de la prévention et de l’égalité entre les  hommes femmes, de la diversité et égalité des chances fait en janvier et février 2023. Le ministère du travail nous a écrit pour fixer un RDV.
  • Podcast PATH « PATHWAYS TO IMPROVING PERINATAL MENTAL HEALTH » (PATH) pour le Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de la Santé E.P.S.M Lille Métropole. Nathalie LEONE, MD PhD Coordinatrice scientifique projet PATH https://path-perinatal.eu/

Résumé du contenu du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 27 juin 2023, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a sorti un rapport provisoire sur la santé des femmes au travail en France.

Plusieurs volets y sont évoqués, comme le manque de données épidémiologiques sur le travail des femmes qui poussent les professionnels à penser les risques de santé au travail sous le prisme de l’homme moyen. Cela a pour conséquence de ne pas prendre en compte les spécificités du travail féminin comme par exemple le phénomène de « double journée » qui incombe à beaucoup d’entre elles.

Certes, les accidents du travail mortels touchent à 90% des hommes mais ce sont les femmes qui sont le plus touchées par les troubles musculo-squelettiques. Sont en cause majoritairement les postes de travail, qui sont fabriqués et mesurés pour des dimensions d’homme et donc peu adaptés aux femmes dont on sait qu’elles sont souvent plus petites en taille avec un centre de gravité plus bas.

La pénibilité du travail des femmes est aussi très souvent oubliée alors que, depuis les années 2000, la proportion de femmes à travailler est équivalente à celles des hommes.

On compte 85% de travailleuses sur la tranche d’âge 25-45 ans. Ce phénomène a déjà été mis en valeur dans une étude réalisée par Anact (Photographie statistique de la sinistralité au travail en France selon le sexe entre 2001 et 2019, juin 2022).

Les risques sur la santé de la femme peuvent donc se trouver majorés. A titre d’exemple, la probabilité d’avoir un cancer du sein augmente de 26% lorsque l’on travaille de nuit, emploi très souvent occupé par des femmes car ils concernent souvent les métiers du care (infirmière, sage-femme, aide-soignante…). En France, 80% de ces emplois sont occupés par des femmes comme dans le secteur du nettoyage.

Ou à l’inverse, la santé de celles-ci peut diminuer leurs performances professionnelles comme dans le cas des femmes atteintes d’endométrioses. La start-up Nintilhealth annonce que 46% des patientes atteintes ont dû au moins une fois dans l’année poser des congés ou se faire arrêter à cause de celles-ci.

Des absences qui peuvent nuire à leurs évolutions de carrière ou à leurs intégrations au sein des entreprises. En effet, la sociologue Alice Romiero a démontré que sur les 66% des patientes ayant prévenu leurs employeurs de leurs conditions, seules 25% ont pu bénéficier d’un aménagement de poste.

Une stigmatisation qui reste encore bien présente vis-à-vis de la grossesse, même si la loi ne va pas en ce sens mais aussi vis-à-vis des parcours d’AMP. L’infertilité touche en France un couple sur six et cette proportion n’est malheureusement pas vouée à diminuer.

La durée moyenne d’un parcours est d’environ 7,7 ans, du moment où la personne est en désir de grossesse et ce jusqu’à son obtention. Au-delà de la durée, ce sont surtout les multiples rendez-vous médicaux qui sont source de difficultés chez les patientes qui travaillent. Bien que soient annotées dans le code du travail des autorisations d’absence pour pouvoir réaliser les examens requis, rares sont celles qui annoncent à leurs employeurs être en parcours.

En effet, sachant qu’il existe un tabou sur la grossesse, il en existe un encore plus gros que celui de désirer l’être. Une enquête réalisée par le Collectif en 2018 a montré que 84% des patientes observaient un retentissement sur leurs vies professionnelles.

Les lieux de travail représentent aussi des endroits où les femmes se trouvent confrontées à de la violence qu’elle soit physique ou verbale. Une enquête réalisée en 2015 révèle que 20% des femmes déclarent avoir vécu une situation de violence dans le cadre du travail contre 15% au sein de la communauté masculine.

Devant ce tableau, la délégation propose 23 recommandations allant jusqu’à l’impact de la ménopause sur les conditions de travail des femmes.

Nous espérons que le rapport définitif permettra la mise en œuvre de celles-ci afin de permettre aux générations futures de pouvoir travailler dans de meilleures conditions.

Site du Sénat et de la délégation aux droits des femmes :

Sénat intervention sur le thème Santé reproductive et travail : Quels aménagements possibles ? Jeudi 2 mars 2023. https://www.senat.fr/fileadmin/Office_et_delegations/Droits_des_femmes/Fichiers/RAPPORT_SANTE_PROVISOIRE.pdf

Sur le site du Sénat : la santé des femmes au travail

La table-ronde à laquelle nous avions participé avec Nathalie Massin : « Santé sexuelle et travail : quels aménagements pour les femmes? « 

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